Le peuple
Eugène Pottier
1848 -
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Quand tombait la pluie fine et qu'un
manteau de glace
Semblait peser sur tout Paris,
Que les pieds dans la boue et la mitraille
en face,
Armé de quelques vieux fusils,
Sourd aux cris de la faim qui tordait
ses entrailles
Et de la soif qui le brûlait,
Il se montrait encor, ce géant
des batailles,
En Février comme en Juillet,
Etait-ce pour de l'or que sa poitrine
nue
S'offrait au feu des bataillons,
Qu'il venait déchirer au pavé
de la rue
Ce qui lui restait de haillons ?
Voulait-il des palais les voûtes
orgueilleuses
Pour abriter ses os glacés ?
Voulait-il reposer aux couches somptueuses
Ses membres au combat lassés
?
Non ! ce n'est point de l'or qu'il
faut sur ses blessures ;
Il lui faut des droits et du pain !
Du pain pour les enfants qui souffrent
les tortures
De la Misère et de la faim !
Son droit, c'est d'être enfin
compté dans la balance
Où doit se peser son destin
;
Ce qu'il veut, c'est qu'enfin sur le
sol de la France
Chaque homme soit citoyen !
Mais ces droits, il les veut ; c'est
au prix de sa vie
Qu'il les sut conquérir.
Au palais des Tyrans, de sa main amaigrie,
Il a gravé ces mots : Vivre
ou mourir.
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