Dans ces temps-là, les nuits,
on s'assemblait dans l'ombre,
Indignés, secouant le joug sinistre
et noir
De l'homme de Décembre, et l'on
frissonnait, sombre,
Comme la bête à l'abattoir.
L'Empire s'achevait. Il tuait à
son aise,
Dans son antre où le seuil avait
l'odeur du sang.
Il régnait, mais dans l'air
soufflait La Marseillaise.
Rouge était le soleil levant.
Il arrivait souvent qu'un effluve bardique,
Nous enveloppant tous, faisait vibrer
nos coeurs.
A celui qui chantait le recueil héroïque,
Parfois on a jeté des fleurs.
De ces rouges oeillets que, pour nous
reconnaître,
Avait chacun de nous, renaissez, rouges
fleurs.
D'autres vous reprendront aux temps
qui vont paraître,
Et ceux-là seront les vainqueurs.
Si j'allais au noir cimetière,
Frères, jetez sur votre soeur,
Comme une espérance dernière,
De rouges oeillets tout en fleur.
Dans les derniers temps de l'Empire,
Lorsque le peuple s'éveillait,
Rouge oeillet, ce fut ton sourire
Qui nous dit que tout renaissait.
Aujourd'hui va fleurir dans l'ombre
Des noires et tristes prisons.
Va fleurir près du captif sombre,
Et dis-lui bien que nous l'aimons.
Dis-lui que par le temps rapide
Tout appartient à l'avenir ;
Que le vainqueur au front livide
Plus que le vaincu peut mourir.