Mai mai mai Paris mai
Mai mai mai Paris
Le casque des pavés ne bouge
plus d'un cil
La Seine de nouveau ruisselle d'eau
bénite
Le vent a dispersé les cendres
de Bendit
Et chacun est rentré chez son
automobile
J'ai retrouvé mon pas sur le
glabre bitume
Mon pas d'oiseau-forçat, enchaîné
à sa plume
Et piochant l'évasion d'un rossignol
titan
Capable d'assurer le Sacre du Printemps
Ces temps-ci je l'avoue j'ai la gorge
un peu âcre
Le Sacre du Printemps sonne comme un
massacre
Mais chaque jour qui vient embellira
mon cri
Il se peut que je couve un Igor Stravinsky
Mai mai mai Paris mai
Mai mai mai Paris
Et je te prends Paris dans mes bras
pleins de zèle
Sur ma poitrine je presse tes pierreries
Je dépose l'aurore sur tes Tuileries
Comme roses sur le lit d'une demoiselle
Je survole à midi tes six millions
de types
Ta vie à ras le bol me file
au ras des tripes
J'avale tes quartiers aux couleurs
de pigeon,
Intelligence blanche et grise religion
Je repère en passant Hugo dans
la Sorbonne
Et l'odeur d'eau-de-vie de la vieille
bombonne
Aux lisières du soir, mi-manne,
mi-mendiant
Je plonge vers un pont où penche
un étudiant
Mai mai mai Paris mai
Mai mai mai Paris
Le jeune homme harassé déchirait
ses cheveux
Le jeune homme hérissé
arrachait sa chemise :
'Camarade, ma peau est-elle encore
de mise
Et dedans mon coeur seul ne fait-il
pas vieux jeu ?
Avec ma belle amie quand nous dansons
ensemble
Est-ce nous qui dansons ou la terre
qui tremble ?
Je ne veux plus cracher dans la gueule
à papa
Je voudrais savoir si l'homme a raison
ou pas
Si je dois endosser cette guérite
étroite
Avec sa manche gauche, avec sa manche
droite,
Ses pâles oraisons, ses hymnes
cramoisis,
Sa passion du futur, sa chronique amnésie'
Mai mai mai Paris mai
Mai mai mai Paris
C'est ainsi que parlait sans un mot
ce jeune homme
Entre le fleuve ancien et le fleuve
nouveau
Où les hommes noyés nagent
dans leurs autos.
C'est ainsi, sans un mot, que parlait
ce jeune homme
Et moi l'oiseau-forçat, casseur
d'amère croûte
Vers mon ciel du dedans j'ai replongé
ma route,
Le long tunnel grondant sur le dos
de ses murs
Aspiré tout au bout par un goulot
d'azur
Là-bas brillent la paix, la
rencontre des pôles
Et l'épée du printemps
qui sacre notre épaule
Gazouillez les pinsons à soulever
le jour
Et nous autres grinçons, pont-levis
de l'amour
Mai mai mai Paris mai
Mai mai mai Paris."