Je vais chanter le bois fameux,
Où, chaque soir, dans l'air
brumeux,
Rode le Boche vénimeux
A l'oeil de traître
Où nos poilus au coeur altier
Contre ce bandit de métier,
Se sont battus sans lacher pied
Au Bois-le-Prêtre !
On est terré comme un renard,
On est tiré comme un canard,
Si l'on sort, gare au traquenard
Où l'on s'empêtre .....
Dès que l'on quitte son bourbier
On reçoit un linguot d'acier,
Car l'on est chasseur et gibier
Au Bois-le-Prêtre !
Tous les arbres y sont hachés,
Et des Bavarois desséchés,
Là-haut, sont encore accrochés
Sur un vieux hêtre.
Ils y sont pour longtemps, dit-on,
Car, même le vautour glouton
Vous a le dégoût du Teuton,
Au Bois-le-Prêtre !
Là-bas, le fauve, c'est le pou
Ce que l'on se gratte, c'est fou
D'abord , on lutte avec la pou-
Dre de pyrètre
Puis aux "totos" on s'aguerrit
Et l'on conclut avec esprit:
Plus on a de poux, plus on rit,
Au Bois-le-Prêtre !
On est sale, on est dégoutant,
On a tout de l'orang-outang,
On rit de ressembler pourtant
A cet ancêtre
Dans la boue on vit et l'on dort,
Oui, mais se plaindre, on aurait tort
La boue ! Elle a des reflets d'or
Au Bois-le-Prêtre !
Si, du canon bravant l'écho,
Le soleil y risque un bécot
On peut voir le coquelicot
Partout renaître
Car, dans un geste de semeur,
Dieu, pour chaque Poilu qui meurt,
Jette des légions d'honneur
Au Bois-le-Prêtre !
Après la guerre nous irons
Et nous nous agenouillerons,
Sur chaque croix nous écrirons
En grosses lettres
"Ci-git un gars plein d'avenir,
Qui sans un mot, sans un soupir,
Pour la France est tombé martyr
Au Bois-le-Prêtre ! "