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Le retour

Poème de Lucien Boyer

1919 -

"A mon ami Fernand LEBAILLY, lieutenant au 36e de ligne"

Après la victoire, le soulagement. D'après ce poème de Lucien Boyer, Dieu est français, à n'en pas douter. Flambeau, le grognard de "L'Aiglon" reprend du service au paradis, et annonce les soldats de l'Empereur, comme dans "Le Rêve passe". Puis c'est le "Le défilé de la Victoire", que Théodore Botrel a également chanté presque sur le même ton.


La guerre était finie, et Dieu jusque là-haut,
Parmi les astres d'or brillants comme des phares
Entendit des clameurs et des bruits de fanfares
Et des hourrahs partant de Douvres à Tsing-Tao

- Quel bruit, demanda-t-il trouble l'azur sans voile ?
- Seigneur, fit une vois dans les célestes choeurs
C'est le grand défilé des Alliées vainqueurs
Qui passent sous l'arc de triomphe de l'Étoile

Un brouhaha courut à travers le ciel pur
La foule des Élus jusque-là stoïque
Voulant voir défiler cette armée héroïque
En trombe se pressait sur le balcon d'azur

Saint-Pierre en tortillant sa barbe de prophète
Fébrile, trépidant comme un vieux cocardier
Cria : - Faites venir Flambeau, le grenadier
Il va nous expliquer les détails de la fête.

Et Flambeau s'avança, pimpant comme à Schoenbrunn
Il dit " - Ça me connaît, la gloire militaire !
Tous ces beaux régiments qui défilent sur terre
Je vais vous les nommer, messeigneurs, un par un.

Les cavaliers passaient avec un bruit de houle
Il annonça : - Voilà les hussards ! Les dragons ! 
Et les portes du ciel frémirent sur leurs gonds
Aux transports délirants qui montaient de la foule.

- Ce n'est rien dit Flambeau, c'est le commencement
Voici les artilleurs !... dominant les trompettes
Des hourras si nourris qu'on eut dit des tempêtes
Soufflèrent en rafale et jusqu'au firmament.

- Ce n'est rien dit Flambeau, vous verrez mieux j'espère
Ah ! Voici le génie !... Et les aviateurs
Dans le vrombissement farouche des moteurs
L'immense voix du peuple assourdit Dieu le père !

Puis Flambeau se penchant annonça : - Les marins
Cette fois la clameur bouleversa les mondes
Et le soleil, conquis, jeta des palmes blondes
A ces humbles fêtés comme des souverains

Ce n'est rien, dit Flambeau d'une voix attendrie
Vous allez voir quand va passer l'infanterie
Cela sera formidable, torrentiel,
J'ai peur que ce hourrah fasse crouler le ciel !

Et voici que soudain, après ces chevauchées
Ils virent s'avancer les hommes des tranchées
Les chasseurs, les lignards, les zouaves, les alpins
Ceux qui prenaient racine ainsi que des sapins
Quand les minenwerfers déchaînaient leurs bourrasques
C'était un océan de casques, et de casques
Mais au lieu de clameurs de victoire, plus rien...
Le silence... Indigné, Flambeau rugit : - Eh : bien !
Ils ont bravé pour vous la mort, la faim, le givre,
Vous leur devez l'orgueil et le bonheur de vivre
Et quand vient le moment de leur ouvrir vos bras
Vous vous taisez ? Français, vous êtes ingrats !

Mais comme il achevait à peine cette phrase
Il regarda la terre et fut rempli d'extase

Dans l'or éclaboussant du couchant radieux
Les Poilus s'avançaient comme des demi-dieux
Sous leurs casques de fer plus troués que des cibles
Et frémissant devant ces héros impassibles
Dont le regard altier semblait dire : - C'est nous !

Tout le peuple muet s'était mis à genoux.
































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