Tout près du front, un chef prussien
Voulant sans doute se distraire
S'amusait à dresser son chien
A garder les prisonniers d'guerre
C'était surtout contre un français
Que l'chef exerçait sa vengeance
Et brutalement il rossait
Le chien qui manquait d'vigilance
Tristement, les yeux du toutou
Semblait dire au petit piou-piou
"Tu vois si j'reçois des taloches
Toi non plus, tu n'es pas heureux
On est pas veinard tous les deux
D'avoir comme patron un boche"
Ivre, un beau soir, l'allemand s'coucha
Et l'chien, qu'avait r'çu des
coups d'botte
Du français doucement s'approcha
Et tira sa capote
Comme pour lui dire " - Allons suis
moi"
L'homm' le suivit avec confiance
A travers champs, à travers
bois
Enfin ce fut la délivrance !
" - T'es un' brave bête, dit-il
tout bas
Mais il faut s'quitter "
" - Ne m'renvoie pas chez les prussiens
C'est pas un métier pour un
chien
D'être policier chez les boches
! "
" - Eh ! bien j't'emmène ! ",
dit le soldat
Soudain dans un bruit de tonnerre
Près d'eux un obus éclata
Blessant l'français qui tombe
à terre
Sur son visage doucement
Le chien passa sa langue tiède
Puis sous le ciel lugubrement
Hurla pour appeler à l'aide
L'animal pensait, dans la nuit
"S'il meurt, je mourrai près
de lui ! "
Confusément dans sa caboche,
Il songeait " On s'rait plus heureux
Dans l'paradis, tous les deux...
C'est l'seul endroit où y'a
pas d'boches ! "
" - Eh ! bien mon gars, te v'là
sauvé
Dit l'major avec un sourire
V'là huit jours qu'on t'a trouvé
Bien mal fichu, je peux le dire
Que voudrais tu ?" - "Revoir mon chien"
Dit le blessé d'une voix émue
" C'est défendu, je le sais
bien
Mais j'l'entend pleurer dans la rue
Sans lui, pour sûr, je serais
mort
- J'vais te l'chercher, dit le major"
Bientôt d'un bond la bête
s'approche
Saut' sur le lit, joyeusement
Cette histoire prouve simplement
Qu'un chien a plus de coeur qu'un boche
!